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lundi 29 avril 2013

Un bel appel à la pensée




Eugène Ionesco, « Oser ne pas penser comme les autres », Antidotes (1977) :

Ne pas penser comme les autres vous met dans une situation bien désagréable. Ne pas penser comme les autres, cela veut dire simplement que l'on pense. Les autres, qui croient penser, adoptent, en fait, sans réfléchir, les slogans qui circulent, ou bien, ils sont la proie de passions dévorantes qu'ils se refusent d'analyser. Pourquoi refusent-ils, ces autres, de démonter les systèmes de clichés, les cristallisations de clichés qui constituent leur philosophie toute faite, comme des vêtements de confection ? En premier lieu, évidemment, parce que les idées reçues servent leurs intérêts ou leurs impulsions, parce que cela donne bonne conscience et justifie leurs agissements. Nous savons tous que l'on peut commettre les crimes les plus abominables au nom d'une cause  "noble et généreuse". Il y  a aussi les cas de ceux, nombreux, qui n'ont pas le courage de ne pas avoir "des idées comme tout le monde, ou des réactions communes". Cela est d'autant plus ennuyeux que c'est, presque toujours, le solitaire qui  a raison. C'est une poignée de quelques hommes, méconnus, isolés au départ, qui change la face du monde. La minorité devient la majorité. Lorsque les "quelques-uns" sont devenus les plus nombreux et les plus écoutés, c'est à ce moment là que la vérité est faussée.


Depuis toujours, j'ai l'habitude de penser contre les autres. Lycéen, puis étudiant, je polémiquais avec mes professeurs et mes camarades. J'essayais de critiquer, je refusais "les grandes pensées" que l'on voulait me fourrer dans la tête ou l'estomac, il y a à cela, sans doute, des raisons psychologiques dont je suis conscient. De toute manière, je suis heureux d'être comme je suis. Ainsi donc, je suis vraiment un solitaire parce que je n'accepte pas d'avoir les idées des autres.


Mais qui sont "les autres" ? Suis-je seul ? Est-ce qu'il y a des solitaires ?

En fait, les autres ce sont les gens de votre milieu. Ce milieu peut même constituer une minorité qui est, pour vous, tout le monde. Si vous vivez dans cette "minorité, cette "minorité" exerce, sur celui qui ne pense pas comme elle, un dramatique terrorisme intellectuel et sentimental, une oppression à peu près insoutenable. Il m'est arrivé, quelque fois, par fatigue, par angoisse, de désirer et d'essayer de "penser" comme les autres. Finalement, mon tempérament m'a empêché de céder à ce genre de tentation. J'aurais été brisé, finalement, si je ne m'étais pas aperçu que, en réalité, je n'étais pas seul. Il me suffisait de changer de milieu, voire de pays, pour y trouver des frères, des solitaires qui sentaient et réagissaient comme moi. Souvent, rompant avec le "tout le monde" de mon milieu restreint, j'ai rencontré de très nombreux "solitaires " appartenant à ce qu'on appelle à juste raison, la majorité silencieuse. Il est très difficile de savoir où se trouve la minorité, où se trouve la majorité, difficile également de savoir si on est en avant ou en arrière. Combien de personnes, de classes sociales les plus différentes, ne se sont-elles reconnues en moi ?


Nous ne sommes donc pas seuls. Je dis cela pour encourager les solitaires, c'est-à-dire ceux qui se sentent égarés dans leur milieu. Mais alors, si les solitaires sont nombreux, s'il y  a peut-être même une majorité de solitaires, cette majorité a-t-elle toujours raison ? Cette pensée me donne le vertige. Je reste tout de même convaincu que l'on a raison de s'opposer à son milieu.


 Merci à Philippine pour cette contribution.

dimanche 28 avril 2013

Hommage à Henri Fertet


Lettre de Henri Fertet, "un condamné à mort de 16 ans"


 


Élève de Seconde du Lycée Victor-Hugo à Besançon. Résistant condamné à mort par le tribunal militaire de la Feldkommandantur 560. Exécuté à Besançon le 26 septembre 1943.


" Chers Parents,

Ma lettre  va vous causer une grande peine, mais je vous ai  vus  si  pleins de courage  que, je  n'en  doute  pas, vous voudrez encore le garder, ne serait-ce que par amour pour moi.

Vous ne pouvez savoir ce que moralement j'ai souffert dans ma cellule, ce que j'ai souffert de ne plus vous voir, de ne plus sentir peser sur moi  votre tendre sollicitude que  de loin. Pendant  ces  87 jours de cellule, votre amour m'a manqué plus que vos colis, et souvent je vous ai demandé de me pardonner le mal que je vous ai fait, tout le mal que je vous ai fait.

Vous ne pouvez vous douter de  ce  que  je  vous  aime aujourd'hui car,  avant, je  vous aimais plutôt  par routine, mais maintenant je comprends tout ce que vous avez fait pour moi et je crois être arrivé à l'amour filial véritable, au vrai amour filial. Peut-être après la  guerre, un camarade vous parlera-t-il  de moi, de cet amour que je lui ai communiqué. J'espère qu'il ne faillira pas à cette mission sacrée.

Remerciez toutes les personnes qui se sont intéressées à moi, et particulièrement nos plus proches parents et amis ; dites-leur ma confiance  en la  France  éternelle.  Embrassez  très  fort  mes grands parents,  mes oncles tantes et cousins, Henriette. Donnez une bonne poignée de main  chez M. Duvernet ; dites  un  petit mot  à  chacun. Dites à M. le Curé  que  je  pense  aussi  particulièrement  à  lui  et  aux siens. Je  remercie Monseigneur  du  grand  honneur  qu'il  m'a fait, honneur dont, je crois, je me  suis montré digne. Je  salue aussi en tombant, mes camarades  de  lycée. A  ce  propos, Hennemann  me  doit un paquet de cigarettes, Jacquin mon livre sur  les  hommes  préhistoriques.  Rendez  « Le Comte  de  Monte-Cristo » à Emourgeon, 3 chemin Français, derrière la gare. Donnez à Maurice André, de la Maltournée,  40  grammes de tabac que je lui dois.

Je lègue ma petite bibliothèque à Pierre, mes livres de classe à mon petit papa, mes collections à ma chère petite maman, mais qu'elle se méfie de la hache préhistorique et du fourreau d'épée gaulois.

Je  meurs  pour  ma  Patrie.  Je  veux  une  France  libre  et  des  Français  heureux.  Non  pas  une France orgueilleuse,  première  nation  du monde,  mais  une  France travailleuse,  laborieuse  et honnête. Que les Français soient heureux, voila l'essentiel. Dans la vie, il faut savoir cueillir le bonheur.

Pour moi, ne vous faites pas de soucis. Je garde  mon  courage  et  ma  belle  humeur jusqu'au bout, et  je chanterai « Sambre et Meuse » parce que c'est toi, ma chère petite maman, qui me l'as apprise.

Avec Pierre, soyez sévères  et tendres. Vérifiez  son  travail  et  forcez-le  à  travailler.  N'admettez  pas  de négligence. Il doit se montrer digne de moi. Sur trois enfants, il en reste un. Il doit réussir.

Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas.  Mon écriture est  peut-être  tremblée ; mais  c'est  parce que j'ai un petit crayon. Je n'ai pas peur de la mort ; j'ai la conscience tellement tranquille.


Papa,  je  t'en  supplie, prie. Songe  que, si je  meurs, c'est pour mon bien. Quelle mort sera plus honorable pour moi que  celle-là ? Je  meurs volontairement  pour ma Patrie. Nous nous retrouverons tous les quatre, bientôt au Ciel.

« Qu'est-ce que cent ans ? »

Maman, rappelle-toi :
« Et ces vengeurs auront de nouveaux défenseurs
qui, après leur mort, auront des successeurs. »


Adieu, la mort m'appelle. Je ne veux ni bandeau, ni être attaché. Je vous embrasse  tous. C'est  dur  quand même de mourir.
Mille baisers. Vive la France.
Un condamné à mort de 16 ans

                                                                                                                                                    

 H. Fertet
Excusez les fautes d'orthographe, pas le temps de relire.


Expéditeur : Henri Fertet
Au Ciel, près de Dieu. "

jeudi 25 avril 2013

Notre chant fondateur

Espérance
Le front penché sur la terre
J’allais seul et soucieux,
Quand résonna la voix claire
D’un petit oiseau joyeux.
Il disait : « Reprends courage,
L’espérance est un trésor
Même le plus noir nuage
A toujours sa frange d’or. » (bis)

Lorsque le soir se fait sombre
J’entends le petit oiseau
Gazouiller là-haut, dans l’ombre,
Sur la branche au bord de l’eau.
Il me dit : « Reprends courage,
L’espérance est un trésor,
Même le plus noir nuage
A toujours sa frange d’or. » (bis)

Mais il partit vers le Père
Et jamais ne le revis.
Je me penchai sur la terre
Et la contemplai, ravi.
Car il n’est que l’espérance
Pour animer notre cœur
Qui de nos plus noires souffrances
Sait toujours être vainqueur. (bis)